Overview
L’encéphalite limbique paranéoplasique est un sous-ensemble d’un groupe plus large d’encéphalites auto-immunes caractérisées par l’atteinte prédominante du système limbique. Les patients présentent un début subaigu de confusion, des changements de comportement, une perte de mémoire à court terme et des crises d’épilepsie. L’IRM cérébrale montre des lésions hyperintenses sur les images pondérées en T2 et FLAIR impliquant les aspects médians des lobes temporaux. Le carcinome pulmonaire à petites cellules est le néoplasme associé le plus fréquent, suivi des tumeurs germinales testiculaires, des thymomes et de la maladie de Hodgkin. La présence d’anticorps antineuronaux chez les patients atteints d’encéphalite limbique est en faveur d’une pathogenèse auto-immune et peut guider la recherche d’une tumeur sous-jacente. Depuis la première description des anticorps qui reconnaissaient les antigènes présents dans le noyau ou le cytoplasme des cellules tumorales et des neurones (anticorps onconeuraux), le nombre d’anticorps antineuronaux circulants associés aux encéphalites limbiques paranéoplasiques et non paranéoplasiques, ainsi qu’à d’autres encéphalites auto-immunes qui ciblent les antigènes de surface des neurones, n’a cessé de croître. Contrairement aux anticorps onconeuronaux, les anticorps contre les antigènes de surface n’indiquent pas toujours que l’encéphalite limbique est paranéoplasique, mais les patients hébergeant ces anticorps s’améliorent généralement avec l’immunothérapie et ils ont une issue plus favorable.
Points clés
– Les patients atteints d’encéphalite limbique présentent des combinaisons variées de perte de mémoire à court terme, de convulsions et de troubles psychiatriques. |
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– Le diagnostic d’encéphalite limbique paranéoplasique nécessite la présence d’un syndrome clinique répondant aux critères établis de l’encéphalite limbique et le diagnostic d’une tumeur dans les 5 ans qui suivent le diagnostic de l’encéphalite limbique. |
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– Le carcinome pulmonaire à petites cellules, le thymome, les tumeurs germinales testiculaires et la maladie de Hodgkin sont les tumeurs les plus souvent associées à l’encéphalite limbique paranéoplasique. |
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– La présence d’anticorps antineuronaux (« onconeuraux ») ou d’anticorps spécifiques contre des antigènes de surface neuronaux chez un patient atteint d’encéphalite limbique fait suspecter une tumeur sous-jacente et peut orienter la recherche de cette tumeur. |
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– Une proportion variable de patients atteints d’encéphalite limbique paranéoplasique présente une amélioration neurologique avec un traitement tumoral réussi ou un traitement immunosuppresseur. |
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– Un diagnostic précoce, l’association avec des anticorps contre les antigènes de surface et un traitement rapide augmentent les chances de succès. |
Note historique et terminologie
L’encéphalite limbique paranéoplasique en tant qu’entité clinicopathologique a été décrite pour la première fois par Corsellis et ses collègues en 1968 (Corsellis et al 1968). Bien que des rapports antérieurs aient identifié le syndrome (Brierley et al 1960), l’article de Corsellis a été le premier à indiquer une association potentielle des symptômes neurologiques avec le cancer sous-jacent. Dans les années 1970 et au début des années 1980, on pensait que l’encéphalite limbique se produisait presque toujours en association avec un néoplasme, généralement un carcinome pulmonaire à petites cellules ou, rarement, d’autres tumeurs. À partir du milieu des années 1980, la découverte d’anticorps anti-Hu chez certains patients a apporté un soutien à une pathogenèse auto-immune de l’encéphalite limbique paranéoplasique. Les études menées au cours des 10 à 15 dernières années ont apporté de nombreuses nouvelles informations (Dalmau et Graus 2018), notamment : (1) l’identification d’un nombre toujours plus important d’anticorps antineuronaux associés à l’encéphalite limbique ; (2) l’élargissement de la liste des néoplasmes les plus souvent associés à l’encéphalite limbique, en particulier le thymome, les tumeurs germinales testiculaires et la maladie de Hodgkin ; (3) la reconnaissance du fait que l’encéphalite limbique paranéoplasique peut être largement divisée en sous-types basés sur les liens entre des tumeurs particulières, les anticorps antineuronaux, les caractéristiques cliniques et la réponse au traitement ; et (4) la prise de conscience du fait que l’encéphalite limbique paranéoplasique doit probablement être considérée comme un sous-ensemble de l’encéphalite limbique auto-immune, dont l’incidence est plus importante qu’on ne le pensait auparavant. De façon analogue au syndrome myasthénique de Lambert-Eaton, l’encéphalite limbique peut être idiopathique ou avoir une étiologie paranéoplasique. Actuellement, la forme non paranéoplasique d’encéphalite limbique associée aux anticorps LGI1 (Irani et al 2010 ; Lai et al 2010 ; Vincent et al 2011) est beaucoup plus fréquente que l’encéphalite limbique paranéoplasique associée à différents types d’anticorps.
Les critères diagnostiques de l’encéphalite limbique paranéoplasique tels que décrits dans une revue de 50 patients publiée en 2000 (Gultekin et al 2000) et dans une revue d’un panel européen multinational (Graus et al 2004) comprennent généralement : (1) l’apparition subaiguë de pertes de mémoire, de crises d’épilepsie et de symptômes psychiatriques ; (2) des signes neuropathologiques, de neuroimagerie ou d’EEG indiquant une atteinte du système limbique ; et (3) un diagnostic de cancer dans les 5 ans suivant l’apparition du syndrome neurologique. La présence d’anticorps onconeuraux (HU, CRMP5, Ma2) ou de certains types d’anticorps contre les récepteurs de surface neuronaux, principalement les anticorps GABAbR ou AMPAR chez un patient atteint d’encéphalite limbique augmente la suspicion d’un néoplasme sous-jacent, mais certains patients atteints d’encéphalite limbique paranéoplasique ne présentent pas d’auto-anticorps démontrables (Graus et al 2018).
Il faut souligner que toutes les encéphalites paranéoplasiques ne peuvent pas être définies comme des encéphalites limbiques. Par exemple, l’encéphalite auto-immune la plus courante est celle associée aux anticorps NMDAR et jusqu’à 58 % des femmes âgées de 18 à 35 ans atteintes de cette encéphalite hébergent un tératome ovarien sous-jacent. Ces femmes ont une encéphalite paranéoplasique mais le profil clinique et radiologique est très différent de celui de l’encéphalite limbique (Dalmau et al 2008 ; Dalmau et al 2011 ; Titulaer et al 2013). Dans une étude, un panel de neurologues a proposé les critères cliniques suivants pour poser le diagnostic d’encéphalite limbique avant les résultats de la détermination des anticorps antineuronaux ou la découverte d’une tumeur : (1) apparition subaiguë (progression rapide < 3 mois) d’un déficit de la mémoire de travail (« perte de mémoire à court terme »), de crises ou de symptômes psychiatriques suggérant une atteinte du système limbique ; (2) anomalies bilatérales FLAIR/ T2 en IRM fortement limitées aux lobes temporaux médians ; (3) pléiocytose dans le LCR (WBC > 5/mm3) ou EEG avec activité épileptique ou lente impliquant les lobes temporaux ; et (4) exclusion raisonnable des causes alternatives (Graus et al 2016). Ces critères devraient augmenter la confiance diagnostique et soutenir le début de l’immunothérapie dès que possible.
Tableau 1. Critères diagnostiques de l’encéphalite limbique
Les 4 conditions suivantes :* |
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(1) Apparition subaiguë (progression rapide < 3 mois) d’un déficit de la mémoire de travail (« perte de mémoire à court terme ») et épisodique, de crises d’épilepsie ou de symptômes psychiatriques suggérant une atteinte du système limbique. |
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(2) Anomalies FLAIR/T2 en IRM bilatérale fortement limitées à l’amygdale et aux lobes temporaux médians.** |
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(3) Au moins 1 des éléments suivants : |
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(a) pléiocytose du LCR (GB > 5/mm3) |
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(b) EEG avec activité épileptique ou lente impliquant les lobes temporaux |
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(4) Exclusion raisonnable des causes alternatives. |
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* Si 1 des 3 premières exigences est manquante, le niveau de « certain » et ne peut être atteint que par la détection d’anticorps contre des protéines de surface cellulaire, synaptiques ou onconeurales. |