Ellen est harcelée par un homme dans son gymnase. Elle ne connaît pas son nom, mais elle l’a surnommé le Hurleur, en raison de la façon dont il crie lorsqu’il soulève des poids. Le Hurleur aime observer Ellen, une étudiante de 19 ans de Newcastle, lorsqu’elle fait de la musculation. Il y a quelques semaines, Ellen faisait des squats sur le sol du gymnase. Quand elle s’est retournée, le Hurleur l’imitait et riait.

« Avant, faire de la musculation était un de mes passe-temps », dit-elle, « mais maintenant il me décourage ». Elle a cessé de porter des crop tops à la salle de sport, privilégiant des T-shirts plus amples. Mais le Hurleur la suit toujours partout. Ellen a envisagé de porter plainte, mais le Hurleur semble être ami avec tout le monde dans la salle de sport, et elle se demande si la direction la prendrait au sérieux.

En outre, dénoncer le harcèlement à la direction de la salle de sport ne se passe pas toujours comme prévu. En début de semaine, la chaîne Gymbox s’est retrouvée au centre d’un reportage après que la réponse dédaigneuse d’un employé à une cliente se plaignant d’avoir été harcelée par un homme de la salle de sport soit devenue virale. « Le taux de testostérone est élevé, surtout pendant les séances d’entraînement », a répondu un employé de Gymbox. « Cela signifie que les réactions aux situations peuvent être un peu extrêmes, surtout pour les hommes ». Gymbox a reconnu que ce n’était pas une réponse appropriée.

Se faire reluquer, harceler ou solliciter dans une salle de sport n’est pas seulement une nuisance. C’est un comportement préjudiciable et insidieux qui prive les femmes de la possibilité d’exister dans les espaces publics. « Il faut parfois beaucoup de choses pour qu’une femme franchisse la porte d’une salle de sport », déclare Kate Dale, de la campagne This Girl Can de Sport England. « Et il suffit de peu de choses pour la rebuter une fois qu’elle y est ».

Le harcèlement peut également être terrifiant. « J’avais tellement peur », se souvient Rosie, une employée des ressources humaines de 38 ans de Londres, de son expérience de harcèlement par un employé de son ancienne salle de sport. L’employé a volé son numéro dans la base de données et a commencé à lui envoyer des photos de son pénis. « Je lui ai dit que je n’étais pas intéressée », raconte Rosie. « C’est alors qu’il s’est mis en colère et a commencé à m’envoyer des trucs injurieux par courriel. »

Un jour, alors que Rosie était à un barbecue, il lui a envoyé un courriel. Si elle ne descendait pas tout de suite au gymnase, il allait envoyer un courriel au petit ami de Rosie – elle l’avait inscrit comme contact d’urgence – et lui dire qu’elle l’avait trompé. Rosie s’est sentie obligée d’obtempérer, mais lorsqu’elle est entrée dans le gymnase, il s’est montré impoli et dédaigneux. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est arrivée lorsqu’il l’a suivie dans un sauna et a essayé de la piéger. Rosie s’est enfuie et a annulé son abonnement à la salle de sport, mais elle ne s’est jamais plainte à la direction. « J’avais trop peur de ce qu’il pouvait faire », dit-elle. « Je pensais qu’il pourrait ruiner ma vie. »

L’expérience de Rosie était extrême, mais des formes plus subtiles de harcèlement peuvent aussi être bouleversantes. « Il existe toute une série de comportements qui constituent du harcèlement », explique le Dr Bianca Fileborn de l’Université de Melbourne. « Fixer quelqu’un, faire des commentaires sexualisés, essayer d’engager une conversation non désirée avec quelqu’un ou toucher quelqu’un sans son consentement. »

Fileborn dit que les femmes vont modifier leur comportement pour éviter leurs harceleurs : elles ne vont aller à la salle de sport qu’à certaines heures, ou éviter des zones telles que la section des poids et haltères, qui est typiquement dominée par les hommes. « On me pose tout le temps des questions sur les zones de musculation dans les salles de sport », explique Dale. « C’est frustrant car il y a tellement de preuves qui montrent que la musculation est vraiment bénéfique pour les femmes. » Beaucoup de femmes ne confrontent jamais leur harceleur, de peur qu’il ne devienne agressif s’il est rejeté.

Lorsque les salles de sport se sentent comme des environnements hostiles pour les femmes, elles sont moins susceptibles de faire de l’exercice régulièrement. « La principale raison pour laquelle les gens restent actifs est qu’ils y prennent plaisir », dit Dale. « Si l’exercice n’est pas agréable, il est difficile de le maintenir ».

« Je me suis convaincue que c’était dans ma tête, que j’étais paranoïaque », dit Jada, une directrice des ressources humaines de 33 ans, à propos de son expérience de harcèlement par trois hommes dans une salle de sport. Mais ce n’était pas dans sa tête : ils étaient clairement en train de la filmer. Par la suite, les hommes l’ont suivie dans un vestiaire unisexe et l’ont bloquée. « J’ai dû les frôler et ils respiraient très fort », se souvient Jada. Elle s’est précipitée vers la porte. « Il fallait entrer un code pour sortir du bâtiment, et j’étais tellement en colère et paniquée que je ne m’en souvenais plus », dit Jada, « alors je n’ai même pas pu sortir du bâtiment ». Lorsque Jada a réussi à sortir, elle tremblait.

Comment les salles de sport devraient-elles gérer un tel comportement ? « Ils devraient avoir une approche de tolérance zéro en matière de harcèlement, qui devrait être explicite dans leurs contrats d’adhésion », dit Fileborn. « Toute personne qui s’est livrée à du harcèlement doit être invitée à partir immédiatement ». De nombreuses salles de sport ont désormais des politiques de lutte contre le harcèlement : après la plainte de Jada, un responsable l’a appelée le lendemain, s’est excusé et lui a dit que les abonnements des hommes avaient été résiliés.

C’était la bonne réponse. « Les salles de sport ne sont pas des lieux de ramassage », déclare Jada. « J’attends la liberté de faire de l’exercice sans être objectivée. »

Certains noms ont été changés

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