Redéfinir un point de coupure au-dessus duquel la valeur d’une mesure physiologique reflète une maladie a d’énormes implications1. La directive récemment publiée par l’American College of Cardiology (ACC) et l’American Heart Association (AHA) sur la prévention, la détection, l’évaluation et la gestion de l’hypertension artérielle (TA) chez les adultes2, résumée dans ce numéro d’American Family Physician3, abaisse ce seuil de 140/90 à 130/80 mm Hg.

La TA est une mesure dynamique, et non statique, qui varie en fonction du moment, du lieu et de la manière dont elle est mesurée. La nouvelle directive de l’ACC/AHA traite de manière appropriée de la mesure de la PA. Les mesures correctement obtenues ont été la norme dans les essais cliniques, mais elles nécessitent environ 10 minutes et ne sont pas systématiquement obtenues en cabinet (tableau 1). Même une mesure de la pression artérielle correctement obtenue en cabinet n’est pas optimale pour le diagnostic ou la prise en charge de l’hypertension ; les lectures hors cabinet à l’aide d’une surveillance ambulatoire ou à domicile de la pression artérielle sur 12 à 24 heures fournissent les meilleures indications.2,4 L’enthousiasme pour la mesure automatisée de la pression artérielle en cabinet,5 qui reproduit le processus décrit dans le tableau 1 mais sans la présence d’un clinicien dans la salle d’examen, augmente. Les mesures de la pression artérielle obtenues avec cette méthode sont de 5 à 10 mm Hg plus basses qu’avec les techniques impliquant un clinicien, et elles reflètent plus fidèlement les mesures prises en dehors du cabinet. Cette approche a été utilisée dans l’essai SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial)6 qui a été cité dans la directive de l’ACC/AHA. Notre approche actuelle de la mesure systématique de la pression artérielle en cabinet ne devrait pas être utilisée pour mettre en œuvre les cibles recommandées dans cette directive.

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TABLEAU 1.

Éléments clés de l’évaluation de la pression artérielle en cabinet

Instruire le patient à éviter la caféine, l’exercice et le tabagisme pendant au moins 30 minutes avant la visite

Faire en sorte que le patient se détende, assis sur une chaise (pieds sur le sol, dos appuyé) pendant au moins cinq minutes

Assurez-vous que le patient a vidé sa vessie

Refusez de parler pendant la période de repos et la mesure

Enlevez tous les vêtements couvrant la zone où le brassard sera placé

Utilisez la taille de brassard correcte

. taille

Soutenir le bras du patient

Positionner le milieu du brassard sur la partie supérieure du bras du patient au niveau de l’oreillette droite (le milieu du sternum)

Séparer les mesures répétées d’une à deux minutes

Prendre la moyenne d’au moins deux mesures

TABLEAU 1.

Éléments clés de l’évaluation de la pression artérielle en cabinet

Instruire le patient à éviter la caféine, l’exercice et le tabagisme pendant au moins 30 minutes avant la visite

Dire au patient de se détendre, assis sur une chaise (pieds sur le sol, dos soutenu) pendant au moins cinq minutes

S’assurer que le patient a vidé sa vessie

S’abstenir de parler pendant la période de repos et la mesure

Enlever tous les vêtements couvrant la zone où le brassard sera placé

Utiliser la bonne taille de brassard

Soutenir le bras du patient

. du patient

Positionner le milieu du brassard sur la partie supérieure du bras du patient au niveau de l’atrium droit (point médian du sternum)

Séparer les mesures répétées d’une à deux minutes

. minutes

Prendre la moyenne d’au moins deux mesures

Quelles nouvelles preuves ont soutenu la modification du seuil de la PA pour l’hypertension à 130/80 mm Hg ? Neuf essais ont contribué à la méta-analyse de l’ACC/AHA sur laquelle la ligne directrice était basée.7 Les essais ont sélectivement recruté des personnes à haut risque de maladie cardiovasculaire (MCV), avec un suivi allant de 2,0 à 5,7 ans. Les deux essais les plus importants ont suivi les patients pendant 3,3 et 4,7 ans en moyenne.6,8 Aucun avantage statistiquement significatif n’a été trouvé pour la mortalité toutes causes confondues, la mortalité due aux MCV, l’insuffisance cardiaque ou les événements rénaux lorsque le seuil de tension artérielle le plus bas était utilisé, et la différence pour l’infarctus du myocarde fatal ou non fatal était à la limite non significative. Seuls les événements majeurs composites liés aux MCV (6,2 % contre 7,3 % ; risque relatif = 0,84 ; nombre de personnes à traiter = 91) et la combinaison d’accidents vasculaires cérébraux mortels et non mortels (2,4 % contre 2,9 % ; risque relatif = 0,82 ; nombre de personnes à traiter = 200) ont été significativement réduits lorsque le seuil inférieur a été utilisé. Sur la base de ces essais, ainsi que des données d’observation liant la PA au risque de MCV, la directive de l’ACC/AHA définit l’hypertension comme une PA de 130/80 mm Hg ou plus. Cette ligne directrice repose sur la conviction que l’atteinte de cette tension cible réduira le risque d’événements cardiovasculaires, y compris pour le grand groupe d’adultes de moins de 75 ans qui présentent un risque faible à modéré de maladie cardiovasculaire et qui n’ont pas été inclus dans les essais.

Que suggère l’ACC/AHA pour ces patients désormais étiquetés comme souffrant d’hypertension non contrôlée ? Les traiter. Instaurer des mesures de style de vie. Utiliser la pharmacothérapie. Intensifier le traitement pour ceux qui sont déjà sous traitement. Les recommandations concernant la modification du mode de vie ne s’appliquent qu’aux adultes de moins de 65 ans dont le risque de MCV à 10 ans est inférieur à 10 %. Le guide reste cependant vague sur ce qu’il faut faire pour ces patients lorsqu’ils reviennent pour un suivi dans trois à six mois. Le conseil comportemental intensif entraîne une diminution moyenne de la pression artérielle systolique d’environ 2 mm Hg après 12 à 24 mois.9 La voie la plus facile sera de faire le saut vers la médication, plutôt que de laisser cette « maladie » non contrôlée.

Il est exagéré de prendre les résultats des essais existants et d’étiqueter toute personne ayant une pression artérielle supérieure à 130/80 mm Hg comme ayant une hypertension non contrôlée, en particulier lorsque cette étiquette sera appliquée sur la base de la plus récente mesure de routine de la pression artérielle en cabinet. Ce changement sera très préjudiciable s’il est largement accepté et mis en œuvre, en particulier si des mesures de qualité faisant écho à cette définition sont mises en place. Les effets néfastes des conséquences d’une mauvaise mesure, d’une surmédication et de mesures de qualité arbitraires peuvent facilement compenser la faible réduction des événements cardiovasculaires constatée dans les essais sur les personnes à haut risque. Plus de 90 % des participants à l’essai SPRINT dont les cibles de TA ont été réduites recevaient déjà un traitement ; il existe peu de données sur l’instauration d’un traitement pharmacologique à ce nouveau seuil. Notamment, des événements indésirables graves sont survenus chez 38,3 % et 37,1 % des personnes des groupes d’intervention et de contrôle, respectivement ; les taux d’hypotension, de syncope, d’anomalies électrolytiques, de lésions rénales aiguës et d’insuffisance rénale aiguë ont augmenté de façon significative dans le groupe d’intervention.6

L’American College of Physicians et l’American Academy of Family Physicians (AAFP) offrent des conseils réfléchis et équilibrés qui intègrent les résultats de ces essais pour les adultes de 60 ans et plus10,11 (tableau 22,11). L’AAFP a refusé d’endosser la ligne directrice de l’ACC/AHA et continue d’endosser la ligne directrice fondée sur des données probantes de 2014 pour la gestion de l’hypertension artérielle chez les adultes12,13.

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TABLEAU 2.

Comparaison des lignes directrices pour le traitement pharmacologique de l’hypertension chez les adultes âgés

La ligne directrice de l’American College of Physicians/American Academy of Family Physicians La ligne directrice de l’American College of Cardiology/American Heart Association . Heart Association guideline

Un traitement est recommandé pour les adultes de 60 ans et plus ayant une PA systolique persistante à ou au-dessus de 150 mm Hg pour atteindre une PA systolique cible de moins de 150 mm Hg afin de réduire le risque d’AVC, d’événements cardiaques et éventuellement de mortalité. (Recommandation forte basée sur des preuves de haute qualité.)

Un traitement est recommandé pour les adultes non institutionnalisés, ambulatoires, vivant dans la communauté, âgés de 65 ans et plus avec une PA systolique moyenne de 130 mm Hg ou plus pour atteindre une PA systolique cible inférieure à 130 mm Hg. (Recommandation forte basée sur des preuves de haute qualité.)

Initier ou intensifier un traitement pharmacologique doit être envisagé pour certains adultes de 60 ans et plus présentant un risque cardiovasculaire élevé, sur la base d’une évaluation individualisée, afin d’atteindre une PA systolique cible inférieure à 140 mm Hg. (Faible recommandation basée sur des preuves de faible qualité.)

Les décisions concernant l’intensité du traitement pharmacologique et le choix des médicaments peuvent raisonnablement être prises en fonction du jugement clinique, des préférences du patient et d’une approche en équipe pour évaluer les risques et les avantages pour les adultes de 65 ans et plus souffrant d’hypertension, d’un lourd fardeau de comorbidités et d’une espérance de vie limitée. (Recommandation modérée basée sur l’opinion consensuelle.)

BP = pression artérielle.

Information provenant des références 2 et 11.

TABLEAU 2.

Comparaison des lignes directrices pour le traitement pharmacologique de l’hypertension chez les adultes âgés

La ligne directrice de l’American College of Physicians/American Academy of Family Physicians La ligne directrice de l’American College of Cardiology/American Heart Association . Heart Association guideline

Un traitement est recommandé pour les adultes de 60 ans et plus ayant une PA systolique persistante à ou au-dessus de 150 mm Hg pour atteindre une PA systolique cible de moins de 150 mm Hg afin de réduire le risque d’AVC, d’événements cardiaques et éventuellement de mortalité. (Recommandation forte basée sur des preuves de haute qualité.)

Un traitement est recommandé pour les adultes non institutionnalisés, ambulatoires, vivant dans la communauté, âgés de 65 ans et plus avec une PA systolique moyenne de 130 mm Hg ou plus pour atteindre une PA systolique cible inférieure à 130 mm Hg. (Recommandation forte basée sur des preuves de haute qualité.)

Initier ou intensifier un traitement pharmacologique doit être envisagé pour certains adultes de 60 ans et plus présentant un risque cardiovasculaire élevé, sur la base d’une évaluation individualisée, afin d’atteindre une PA systolique cible inférieure à 140 mm Hg. (Faible recommandation basée sur des preuves de faible qualité.)

Les décisions concernant l’intensité du traitement pharmacologique et le choix des médicaments peuvent raisonnablement être prises en fonction du jugement clinique, des préférences du patient et d’une approche en équipe pour évaluer les risques et les avantages pour les adultes de 65 ans et plus souffrant d’hypertension, d’un lourd fardeau de comorbidités et d’une espérance de vie limitée. (Recommandation modérée basée sur une opinion consensuelle.)

BP = pression artérielle.

Information provenant des références 2 et 11.

En traitant l’hypertension, nous traitons un facteur de risque chez les patients asymptomatiques pour prévenir la maladie, et non pas une maladie pour soulager la souffrance. La plupart des personnes qui reçoivent un médicament préventif n’en tireront aucun bénéfice, et beaucoup seront lésées. Le choix d’un seuil et d’une cible de traitement devrait être basé sur la science soutenant la réduction du risque de MCV, tout en tenant compte des avantages et des inconvénients dans les circonstances individuelles des patients et en respectant le choix des patients.

Note de la rédaction : Le Dr LeFevre était membre du groupe du huitième comité national mixte qui a élaboré la directive fondée sur des preuves de 2014 pour la gestion de l’hypertension artérielle chez les adultes, et siège actuellement au comité consultatif scientifique de l’AAFP. Il n’a pas été impliqué dans la décision de l’AAFP de ne pas approuver la ligne directrice sur l’hypertension de l’ACC/AHA.

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