Avec le Congrès américain qui débat activement des projets de loi de réforme de la santé qui pourraient étendre la couverture d’assurance à des millions d’Américains, la nécessité d’identifier des stratégies pour contenir les coûts des soins de santé est devenue une question de plus en plus pressante. La réforme de la responsabilité civile a été proposée par les dirigeants des deux partis politiques comme une stratégie possible pour réduire les coûts des soins de santé.

Dans The Impact of Tort Reform on Employer-Sponsored Health Insurance Premiums (NBER Working Paper 15371), les chercheurs Ronen Avraham, Leemore Dafny et Max Schanzenbach exploitent les différences entre les lois sur la responsabilité civile au niveau des États pour explorer les économies potentielles associées à la réforme de la responsabilité civile.

Les auteurs commencent par observer que la réforme de la responsabilité civile doit avoir un impact sur la pratique médicale – par opposition à la seule faute professionnelle médicale – afin de produire des réductions non négligeables des coûts des soins de santé. Les coûts directs de la faute professionnelle, qui comprennent les primes, les dommages-intérêts supérieurs aux primes et les frais de justice associés, ne représentent pas plus de deux pour cent des coûts des soins de santé. Ainsi, les réformes de la responsabilité civile ne peuvent avoir un effet substantiel sur les coûts des soins de santé que si elles affectent la quantité de services de soins de santé fournis.

Les auteurs expliquent que l’effet de la réforme de la responsabilité civile sur les coûts des soins de santé est théoriquement ambigu. D’une part, la sensibilité des prestataires à la responsabilité peut les amener à fournir des soins excessifs, ce qui entraîne une hausse des coûts des soins de santé. L’élimination de cette pratique de « médecine défensive » est une des principales justifications de la réforme de la responsabilité civile. D’autre part, cependant, la responsabilité incite les prestataires à prendre davantage de précautions et à éviter les risques inutiles. Dans cette logique, la réduction de la responsabilité pourrait augmenter les erreurs médicales coûteuses et encourager les prestataires à recommander des traitements rentables mais inutiles, voire risqués, ce qui augmenterait les coûts des soins de santé et diminuerait la qualité des soins. Ainsi, l’effet de la réforme de la responsabilité civile sur les coûts est une question empirique.

La littérature précédente sur ce sujet s’est largement concentrée sur l’effet de la réforme de la responsabilité civile sur l’intensité du traitement pour des conditions médicales particulières avec un grand nombre de réclamations pour faute professionnelle, comme la grossesse. Ces études peuvent ne pas être représentatives de l’effet sur les soins de santé en général et ont conduit à de grandes variations dans l’impact estimé de la réforme. L’étude actuelle est la première à examiner l’effet global de la réforme sur les coûts.

Pour ce faire, les auteurs utilisent une base de données des plans de santé parrainés par l’employeur couvrant annuellement plus de 10 millions d’Américains non âgés pour la période 1998 à 2006. Les auteurs se concentrent sur quatre types de réformes – les plafonds sur les dommages non économiques (tels que pour la douleur et la souffrance), les plafonds sur les dommages punitifs, la réforme de la source collatérale (qui réduit les indemnités des plaignants s’ils reçoivent des prestations d’assurance publiques ou privées), et la réforme de la responsabilité conjointe et solidaire (qui limite la capacité des plaignants à poursuivre les parties ayant des « poches profondes »).

L’approche de base des auteurs est d’utiliser les différences dans le calendrier d’adoption de ces réformes par les États pour identifier l’effet de la réforme sur les primes. Dans leur première série de résultats clés, ils constatent que chacune des réformes, à l’exception du plafonnement des dommages punitifs, fait baisser les primes d’assurance maladie de 1 à 2 %. Ce résultat s’applique aux régimes auto-assurés, c’est-à-dire les régimes de santé pour lesquels l’employeur promoteur paie directement les coûts de soins de santé réalisés des personnes inscrites plutôt que de payer un assureur pour supporter ce risque.

En revanche, les auteurs constatent que les réformes de la responsabilité délictuelle n’ont aucun effet sur les primes des régimes entièrement assurés. Étant donné que près de quatre-vingt-dix pour cent des régimes entièrement assurés dans leurs données sont gérés par des Health Maintenance Organizations (HMO), ce résultat suggère que les HMO peuvent réduire la médecine défensive sans réforme de la responsabilité civile par le biais du contrôle des soins. Les auteurs testent directement cette hypothèse en comparant l’effet de la réforme par type de régime d’assurance au sein de l’échantillon d’entreprises auto-assurées. Ils confirment que les réponses aux réformes sont concentrées parmi les types de plans autres que les HMO, tels que les organisations de fournisseurs préférés (PPO).

Une autre hypothèse intéressante que les auteurs testent est de savoir si les réductions de primes après la réforme sont plus fortes dans les marchés d’assurance plus compétitifs, tels que mesurés par le nombre d’assureurs. Ils constatent que c’est le cas. Cela suggère que lorsque les assureurs possèdent un pouvoir de marché, la répercussion des réductions de coûts dues à la réforme de la responsabilité civile sera incomplète.

Une préoccupation potentielle avec l’analyse des auteurs est que les réformes de la responsabilité civile peuvent être adoptées par les États qui connaissent une augmentation rapide des primes d’assurance maladie, générant une corrélation entre les réformes et les primes qui peut ne pas représenter un véritable effet causal. Cependant, lorsque les auteurs vérifient si la mise en œuvre d’une réforme est associée à un changement des primes avant la réforme, ils n’en trouvent aucune preuve. Ils constatent également que l’effet des réformes se renforce légèrement avec le temps.

En somme, les auteurs constatent que le plafonnement des dommages non économiques, la réforme de la source collatérale et la réforme de la responsabilité conjointe et solidaire réduisent les primes auto-assurées de 1 à 2 % chacun. Ces résultats indiquent que la réforme de la responsabilité civile réduit l’intensité du traitement, car la baisse des primes est plus importante que les économies qui découleraient de la réduction des coûts de responsabilité directe. Ces réductions sont concentrées dans les PPO plutôt que dans les HMO, ce qui suggère que les HMO peuvent réduire la « médecine défensive » même en l’absence de réforme de la responsabilité civile.

Les auteurs observent que leurs résultats « constituent la première preuve que la réforme de la responsabilité civile réduit les dépenses de santé de manière générale (bien que pas dans un environnement de soins gérés) ». Cependant, ils avertissent que « pour comprendre les implications de ces réformes en termes de bien-être social… des recherches supplémentaires sur les résultats en matière de santé et les coûts à long terme sont nécessaires.

Les auteurs reconnaissent le financement du Searle Center on Law, Regulation, and Economic Growth de la Northwestern University School of Law.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.