Conseils de carrière
« Abandonnez tout espoir, vous qui entrez ici. » – Inscription au vestibule de l’enfer, tiré de La Divine Comédie de Dante Alighieri
En tant que jeune lecteur de Dante, la description de l’enfer par le poète italien dans La Divine Comédie a servi de métaphore pour une grande partie de ce que j’ai vécu plus tard dans la vie. Que ce soit en travaillant dans une ferme au lycée ou en m’entraînant pour devenir un officier de l’armée pendant mes années d’université, il était relativement facile de m’imaginer dans un cercle de l’enfer ou un autre. Comme d’habitude, un peu d’humour autodérisoire – « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » – contribuait grandement à rendre les jours un peu plus radieux.
Lorsque j’ai commencé mon parcours militaire, j’aurais tout aussi bien pu avoir Virgile à mes côtés, m’aidant à naviguer sur ma propre rivière Styx. Autant j’ai apprécié la vie dans l’armée, autant je ne pouvais pas en dire autant de certains des leaders que j’ai rencontrés. Alors que je travaillais à définir ma propre philosophie du leadership, j’en suis venu à voir beaucoup d’entre eux comme des sosies de ceux qui occupaient les neuf cercles de l’enfer de Dante. Il n’y avait pas simplement un type de leader toxique, il y en avait plusieurs.
Premier cercle : Limbo
Dans ce cercle errent les âmes autrement vertueuses qui ne parviennent jamais tout à fait à diriger réellement. Ce ne sont pas de mauvaises personnes, elles ne sont juste pas si utiles que ça. Beaucoup sont des boy-scouts bien intentionnés qui n’arrivent pas à se sortir de leur propre chemin. S’il y avait un cercle de l’enfer pour le personnel professionnel, ce serait celui-là. Ils obtiennent de passer l’éternité sans but ou objectif, ne faisant pas le seul travail qu’ils ont été chargés de faire : diriger.
Deuxième cercle : l’incompétence
Mon deuxième cercle est réservé à ces pauvres âmes qui ne semblent pas pouvoir faire les choses correctement. Ils perdent des biens, échouent aux inspections, se perdent en allant sur le terrain, et semblent toujours se présenter dans le mauvais uniforme pour un événement ou un autre. Cependant, ils détournent l’attention de tous les autres et leur place est à deux pas des Limbes, de l’autre côté du Styx. Leur punition ? Ils passent l’éternité à mener un inventaire de changement de commandement, à préparer des diapositives PowerPoint ou à coordonner les détails banals d’une conférence téléphonique qui aurait pu être remplacée par un courriel.
Troisième cercle : l’indécision
Dans le deuxième cercle de l’enfer se trouvent les dirigeants incapables de prendre les décisions les plus élémentaires. Ces âmes misérables passaient leur vie dans un état perpétuel d’indécision, faisant attendre les autres pendant qu’ils tergiversaient sur des demandes d’informations ou des rapports de renseignement mis à jour. Comme être en leur présence était aussi exaspérant et frustrant qu’un déploiement en temps de guerre au Koweït, ils sont condamnés à passer l’éternité à errer dans la nuit sans fin d’Ali al Salem, en réfléchissant à toutes les décisions qu’ils n’ont pas prises.
Quatrième cercle : Aversion au risque
Les averses au risque ne sont que légèrement plus en aval des indécis dans ma version de l’enfer, mais leur cercle est important en raison de la nature égocentrique de leur peur du risque. Cette forme d’indécision est particulièrement insidieuse car elle représente un désir profondément ancré d’éviter toute responsabilité. Pour toutes les personnes qui souffrent à cause de leur inaction égoïste, ils passent l’éternité forcés de remplir des évaluations de risques pour les tâches les plus banales alors qu’ils gisent une bouillie de la sueur froide qu’ils ont transpirée en essayant de trouver des moyens d’esquiver le risque qu’ils ne pouvaient pas mettre en gage sur les autres.
Cinquième cercle : La lâcheté
Une part importante du leadership consiste à affronter ses peurs. Pas celles que l’on affronte à la guerre – ce qui est tout à fait compréhensible – mais dans la vie de tous les jours. Mon cinquième cercle de l’enfer est peuplé de ceux qui ont peur de donner un feedback honnête, qui ne défendent pas leur peuple et qui semblent toujours disparaître quand on a le plus besoin d’eux. Leur punition est de passer l’éternité enfermés dans une conversation circulaire avec une version démoniaque de Bill Lumbergh.
Sixième cercle : L’égoïsme
Contrairement à la croyance populaire, il y a un cercle de l’enfer juste pour ceux qui vivent selon la devise « Je vous emmerde, j’ai le mien ! ». Le patron qui s’assure d’obtenir sa récompense, mais ne s’occupe pas de celle des autres ? Le commandant qui part toujours tôt, mais qui laisse les autres travailler pendant des heures ? Le chef qui ne mange jamais en dernier ? Leur sort est le sixième cercle, où l’éternité est passée à essayer de rendre une doublure de poncho, un outil de tranchée et une cantine aux petits vieux imps en tennis du CIF de l’enfer.
Seventh Circle : Colère
Ce n’est pas l’émotion elle-même qui fait du septième cercle ce qu’il est, mais l’incapacité à contrôler l’émotion. A chaque niveau où j’ai servi, j’ai vu quelqu’un dont la colère était perpétuellement hors de contrôle. Ils criaient sur les gens, réprimandaient leurs subordonnés et râlaient pour le moindre détail. Si vous êtes aussi misérable, trouvez une autre profession. Leur éternité se passe en tant que cadets malchanceux du ROTC dans une inspection d’uniforme menée par le lieutenant Neidermeyer.
Huitième cercle : Fraude
Comme Dante, je réserve un cercle séparé de l’enfer pour les caméléons parmi nous dont la vraie nature n’est jamais révélée. Ici se trouvent les flagorneurs, les hypocrites et les lèche-bottes, ainsi que ceux qui ont des intentions et des motivations cachées. Les âmes de ce cercle ne vous permettent de voir d’elles que ce qu’elles veulent que vous voyiez, et pour cela elles passent l’éternité à expérimenter le Karma d’être perpétuellement dépassées par d’autres intrigants et marginalisées par des patrons narquois. On récolte ce que l’on sème.
Neuvième cercle : Trahison
A la base même de l’enfer, condamnés pour avoir commis le péché ultime de l’égoïsme, résident les traîtres. Ce sont des « leaders » qui visitent sciemment le mal sur les autres, qui mentent, trichent ou volent sans ressentir le moindre vestige de honte. Ils n’ont aucun honneur, aucune empathie, aucune compassion et aucune humilité. Ils sont le centre de leur monde et ne reculent devant rien pour obtenir un avantage personnel. Leur punition ? Passer l’éternité dans un enfer semblable à celui du Jour de la marmotte, où ils se réveillent chaque matin avec l’horreur d’avoir perdu l’arme qui leur a été attribuée et qu’ils ne peuvent blâmer personne d’autre.
C’est mon genre d’enfer.