Résumé
Cette série de cas documente l’expérience locale utilisant la stimulation magnétique transcrânienne répétitive thêta-burst accélérée (SMTr) comme traitement supplémentaire de la dépression à la fois dans le trouble dépressif majeur (TDM) et le trouble bipolaire (BD). Neuf patients consentants (TDM = 7 ; BD = 2) ont reçu chacun 20 séances de thêta-burst accéléré sur 8 jours. L’amélioration a été suivie à l’aide de l’échelle de dépression du Centre d’études épidémiologiques (CES-D) et de l’échelle d’impression clinique globale (CGI) au départ, au cinquième et au huitième jour du traitement par SMTr. Nous avons effectué un test de Wilcoxon pour déterminer s’il y avait une différence dans les scores entre le début et la fin du traitement. Les scores CES-D ont diminué de manière significative entre le début et la fin du traitement (Z = -2,547, p = 0,011), cinq patients ayant connu une réduction d’au moins 50 % de leurs symptômes sur le CES-D. Les scores de sévérité CGI ont également diminué de manière significative entre le début et la fin du traitement (Z = -2,547, p = 0,011). L’effet indésirable le plus souvent signalé était de légers maux de tête, qui ont duré quelques heures pendant et après le traitement par SMTr. Les résultats suggèrent que le protocole accéléré de SMTr thêta-burst pour la dépression est bien toléré, la plupart des patients présentant également une amélioration symptomatique au jour 8.
Mots-clés : stimulation thêta-burst ; SCT ; Dépression ; stimulation magnétique transcrânienne répétitive accélérée ; dépression bipolaire ; BP ; dépression résistante au traitement.
Introduction
La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est une technique de stimulation cérébrale non invasive qui repose sur le principe de l’induction magnétique1,2,3. En tant qu’outil de recherche, la SMT a été largement utilisée pour étudier le temps de conduction motrice, la fonction motrice et la pathologie dans une variété de troubles cérébraux.2,4 La stimulation magnétique transcrânienne génère un champ électromagnétique d’une magnitude suffisante qui entraîne finalement une modification de l’activité neuronale dans le tissu cortical focal ciblé.5 Lorsque les impulsions sont appliquées de manière répétitive, une modalité appelée stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr), la SMT peut moduler l’activité corticale au-delà de la période de stimulation et a donc le potentiel d’être utilisée de manière thérapeutique. Ces dernières années, la recherche et l’utilisation clinique de la SMTr dans le traitement des troubles neuropsychiatriques se sont développées.1,2,4,5
Les autres applications thérapeutiques de la SMT comprennent le développement de la stimulation thêta-burst (SCT), où les impulsions sont délivrées selon un schéma simulant le rythme thêta cortical du cerveau.6,7 Pendant la SCT, trois impulsions magnétiques sont délivrées à 20 ms d’intervalle et répétées toutes les 200 ms, générant un rythme thêta de 5 Hz avec des changements d’excitabilité corticale plus robustes et plus durables.6 Comme pour d’autres applications thérapeutiques, le mécanisme d’action exact de la SCT reste à élucider. Des études suggèrent que les effets de la TBS pourraient être liés à la modulation de la transmission inhibitrice des interneurones de l’acide γ-aminobutyrique (GABA) affectant la plasticité synaptique par des processus tels que la dépression à long terme (LTD) et la potentialisation à long terme (LTP).8 La TBS semble présenter certains avantages par rapport aux modalités traditionnelles de SMTr, notamment une durée de traitement plus courte et une intensité de stimulation plus faible. Des études suggèrent que les effets thérapeutiques sont généralement durables.6,7,8,9 De plus, la recherche soutient la sécurité de l’application de la TBS et l’absence d’effets indésirables cliniquement significatifs.7,9
Des études sur l’application de la TBS intermittente accélérée (iTBS) pour la dépression majeure ont donné des résultats prometteurs.10,11 Lorsque la SMTr est appliquée dans le traitement de la dépression (tant unipolaire que bipolaire), elle est le plus souvent délivrée au cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC).10,11,12,13 Le DLPFC est impliqué dans des fonctions cognitives et comportementales complexes et, ce qui est important pour la dépression, joue un rôle essentiel dans la réévaluation ou la suppression de l’affect négatif.12 Des études de neuro-imagerie fonctionnelle impliquent le DLPFC dans la régulation des émotions négatives dans la dépression.12 En raison de l’asymétrie fonctionnelle observée chez les patients déprimés, les protocoles de SMTr administrés dans la dépression impliquent généralement des protocoles excitateurs au DLPFC gauche et des protocoles inhibiteurs au DLPFC droit.12,13
Les protocoles accélérés impliquent plusieurs sessions de SMTr par jour par rapport à la session unique standard par jour. Une récente étude croisée randomisée en double aveugle et contrôlée par l’effet d’un simulacre, axée sur l’augmentation de l’efficacité tout en raccourcissant la durée du TBS chez des patients souffrant de dépression résistante au traitement, a démontré que 4 jours de traitement par TBS sur le DLPFC entraînaient une amélioration clinique significative s’étendant jusqu’à 2 semaines après le traitement par TBS.11 Si l’on considère les avantages pratiques, en termes de réduction de la durée du traitement et éventuellement d’accélération de ses effets, les protocoles accélérés peuvent potentiellement améliorer l’utilité clinique de la SMTr.
A l’échelle internationale, la recherche sur les applications cliniques de la SMTr est en pleine expansion ; cependant, jusqu’à récemment, le traitement par SMTr était largement indisponible en Afrique du Sud. Le département de psychiatrie de l’université de Stellenbosch gère désormais un service clinique et de recherche sur la SMTr accessible aux patients des secteurs privé et public (voir encadré 1). La série de cas suivante a pour but de documenter l’efficacité du protocole de SMTr à accélération thêta chez des patients souffrant de dépression unipolaire ou bipolaire en Afrique du Sud. La série de cas met en évidence l’efficacité à court terme, l’aspect pratique et la sécurité d’un protocole de SCT accélérée. Elle fournit des informations sur la présentation des patients, la sélection du protocole et les résultats du traitement et ajoute au corpus limité de recherches sur la SMTr en Afrique du Sud.
ENCADRÉ 1 : Aperçu du service de traitement par stimulation magnétique transcrânienne répétitive fourni.
Méthodes
Sujets
Neuf patients présentant une dépression résistante au traitement diagnostiquée et documentée, à la fois des troubles unipolaires et bipolaires (BD), qui ont été orientés vers le service de SMTr ont été inclus dans cette série de cas (voir tableau 1). Tous les patients ont signé un consentement éclairé et une approbation éthique a été obtenue auprès du Comité d’éthique de la recherche en santé de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Stellenbosch (C18/05/01). Aucun des patients n’avait de troubles comorbides documentés et aucun ne présentait de contre-indication au traitement par SMTr. Tous les patients ont poursuivi leur régime de traitement actuel, la SMTr étant ajoutée comme traitement d’appoint.
TABLEAU 1 : Sujets et données cliniques.
Traitement
Tous les patients ont reçu le protocole iTBS accéléré pour la dépression qui consiste en trois impulsions magnétiques délivrées à 20 ms d’intervalle et de manière répétée toutes les 200 ms, ce qui entraîne un rythme thêta de 5 Hz sur la zone DLPFC gauche. L’intensité a été fixée à 80 % du seuil moteur (MT) et 1782 impulsions ont été délivrées par session, chacune durant environ 13 minutes. Le traitement a été administré à l’aide d’un stimulateur rTMS MAG & More PowerMAG 100 et d’une bobine double PMD70-pCool figure-8. La bobine a été placée à un angle de 45° ciblant le DLPFC gauche, 5,5 cm parasagittal antérieur au point chaud moteur.
Les séances de traitement ont été organisées en fonction de la disponibilité de l’administrateur TMS et du patient et les visites ont donc eu lieu à différents moments de la journée sur un total de 8 jours (répartis sur 2 semaines). La première visite, d’une durée d’environ une heure, comprenait l’identification des points de repère anatomiques selon la procédure standard de SMTr, la détermination de la MT à l’aide d’un appareil d’électromyographie (EMG) et l’administration d’une seule séance de SMTr par salves thêta. Les jours 2 et 3, les patients ont reçu deux sessions de thêta-sauts par SMTr avec une pause de sécurité de 20 minutes entre les sessions, soit des visites d’environ une heure. Les jours 4 à 8 ont été caractérisés par trois séances de thêta-stimulation par SMTr par jour, toujours avec une pause de sécurité de 20 minutes entre les séances, ce qui a donné lieu à des visites d’environ 90 minutes. La pause de 20 minutes entre les sessions de SMTr des jours 2 à 8 a été incorporée conformément aux procédures de sécurité du protocole de SMTr.10
Nous avons conçu un protocole qui augmentait progressivement le nombre de sessions par jour afin d’évaluer la sécurité individuelle et d’améliorer la tolérance. Chaque patient a reçu collectivement 20 séances de thêta-burst par SMTr. L’amélioration a été contrôlée au début du traitement, puis au 5e et au 8e jour à l’aide de l’échelle de dépression du Centre d’études épidémiologiques (CES-D) et de l’échelle d’impression clinique globale (CGI-S). Les patients ont été interrogés quotidiennement sur les effets indésirables.
Analyse statistique
Un test non paramétrique de Wilcoxon matched-pairs signed-rank a été utilisé pour déterminer s’il y avait une différence significative dans les scores entre chaque point temporel (temps 1 = ligne de base, temps 2 = jour 5, et temps 3 = jour 8). Les répondeurs ont été définis comme ceux qui présentaient une réduction d’au moins 50 % des scores CES-D entre la ligne de base et le temps 3.
Considérations éthiques
Tous les patients ont signé un consentement éclairé et une approbation éthique a été obtenue auprès du Comité d’éthique de la recherche en santé de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Stellenbosch (C18/05/01).
Résultats
Un total de neuf patients a été inclus dans cette série de cas (sept femmes et deux hommes, âge moyen = 40,67, écart-type = 8,79). Sept des neuf patients présentaient un trouble dépressif majeur, tandis que le reste était référencé avec un BD (épisode actuel de dépression majeure). On a constaté une diminution des scores de dépression mesurés par le CES-D entre le temps 1 (M = 39,67 ; écart-type = 12,11) et le temps 2 (M = 22,67 ; écart-type = 13,15) et entre le temps 2 et le temps 3 (M = 19,89 ; écart-type = 11,85). La réduction des scores CES-D du temps 1 au temps 2 (Z = -2,668, p = 0,008) et du temps 1 au temps 3 (Z = -2,547, p = 0,011) mais pas du temps 2 au temps 3 (Z = -1,342, p = 0,180) était significative. Cinq des neuf participants étaient des répondeurs avec une réduction moyenne du score CES-D de 50,1 %. Le score moyen de gravité CGI était de 4,44 (écart-type = 0,88) au temps 1, 2,11 (écart-type = 0,60) au temps 2 et 3,11 (écart-type = 1,66) au temps 3. Là encore, l’amélioration du score CGI-S entre le temps 1 et le temps 2 (Z = -2,530, p = 0,011) et entre le temps 1 et le temps 3 (Z = -2,547, p = 0,011) mais pas entre le temps 2 et le temps 3 (Z = -1,342, p = 0,180) était significative. L’effet indésirable le plus fréquemment rapporté était de légers maux de tête pendant et après le traitement par SMTr, d’une durée de quelques heures.
Discussion
Il s’agissait d’une petite série de cas sans bras de contrôle ; cependant, à notre connaissance, il s’agit du premier rapport documenté sur l’utilisation de la SMTr en Afrique du Sud. Les résultats sont prometteurs puisque tous les patients, à l’exception d’un seul, ont connu une amélioration symptomatique à la fin du traitement.
Comme dans d’autres études, les patients inclus dans cette série ont reçu la SMTr comme traitement d’appoint à leur régime de traitement médicamenteux établi.14,15,16 De plus, nos résultats indiquent que la plus grande différence clinique s’est produite entre la ligne de base et le jour 5, ce qui justifie la recommandation d’un minimum de 5 jours de traitement (11 séances de SMTr accélérées) dans notre contexte. Nos résultats sont cohérents avec ceux d’autres études concernant l’efficacité du traitement par SMTr à impulsion thêta pour la dépression résistante au traitement.10,11,17
Le protocole accéléré entraîne également une réduction de la durée globale du traitement, ce qui se traduit par une diminution du coût du traitement et du temps d’absence du travail pour les patients. Les protocoles accélérés de SCT peuvent offrir des avantages en termes de réponse plus rapide et de durée de traitement plus courte, améliorant ainsi le rapport coût-efficacité et l’aspect pratique. Enfin, les patients impliqués dans cette série documentée ont ressenti peu d’effets secondaires, le plus fréquemment signalé étant un léger mal de tête. Ainsi, le protocole de stimulation thêta accélérée semble être bien toléré par les patients.10 Bien que la SCT semble présenter une sécurité et une tolérabilité similaires à celles des protocoles de SMTr traditionnels, elle comporte théoriquement un risque accru en raison de la stimulation par salves à plus haute fréquence. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour élucider les mécanismes sous-jacents aux effets de la SCT et pour établir les paramètres idéaux du protocole.
Les résultats rapportés ici sont issus d’une série de cas et d’autres essais contrôlés randomisés bien conçus sont nécessaires pour démontrer l’efficacité. Cependant, les patients adressés au service de SMTr sont en grande partie résistants ou réfractaires au traitement, et ainsi, la série de cas illustre l’utilité d’un protocole de SCT accéléré dans des cas cliniques réels.