La plupart des chimistes peuvent énumérer les articles qui ont façonné leur vie. Pour beaucoup d’entre nous, l’un des plus pertinents sont les règles de priorité de Cahn-Ingold-Prelog (CIP) de 1966. L’article a un nombre impressionnant de citations, mais la stabilité de sa popularité est tout aussi importante : son utilité pratique a fait en sorte qu’il continue d’être utilisé par des générations de chimistes à travers le monde.

Les règles CIP nous donnent un outil simple pour décrire sans ambiguïté les stéréocentres, et en tant que tel, c’est un élément vital de notre nomenclature rigoureuse pour les molécules. Pourtant, les règles sont en retard par rapport à certains développements en chimie, et en particulier lorsqu’il s’agit d’espèces supramoléculaires.

La liaison chimique covalente est souvent considérée comme la base des règles CIP, mais les interactions non covalentes qui sont si vitales pour la chimie supramoléculaire donnent également lieu à des centres stéréogéniques. Il est clair que les règles peuvent être améliorées, mais nous devrions également veiller à ne pas compliquer inutilement quelque chose qui fonctionne remarquablement bien.

Les règles existantes incluent les paires solitaires – en 2004, l’Union internationale de chimie pure et appliquée (Iupac) les a intégrées en ce qui concerne le traitement des systèmes tétraédriques ayant une paire d’électrons : « une paire d’électrons solitaires sur un atome tel que l’azote ou le soufre a le numéro atomique fictif de zéro. Il est donc classé plus bas qu’un atome d’hydrogène ». Nous proposons donc une autre extension simple des règles de priorité pour résoudre le problème des interactions non covalentes.

Notre système proposé

Pour les interactions impliquant des paires solitaires, nous proposons d’attribuer à la paire solitaire coordonnée un numéro atomique fictif entre 0 et 1 (autrement dit plus grand qu’une paire solitaire non coordonnée mais plus petit qu’un atome d’hydrogène). S’il y a plus d’une paire solitaire coordonnée, elles sont ordonnées par le ligand en suivant les règles classiques du CIP.

Supermolécules CIP

Les exemples ci-dessus montrent comment la priorité serait donnée (en suivant les lignes rouges et les numéros) en utilisant les modifications proposées aux règles CIP

Pour les interactions impliquant des atomes (par exemple les atomes H dans le cadre de liaisons hydrogène), l’affectation est réalisée par les mêmes règles que celles appliquées aux centres stéréogéniques ; ainsi, la liaison hydrogène ou une autre interaction non covalente est plus prioritaire que l’hydrogène, et les liaisons non covalentes sont classées par ordre de priorité selon le numéro atomique du ligand (du plus élevé au plus bas).

Vous trouverez ci-dessus deux exemples simples, avec des flèches et des chiffres pour indiquer l’ordre de priorité. Dans le premier (complexes CH3OH:HF), la paire solitaire coordinatrice sur le méthanol a une priorité intermédiaire entre la paire solitaire non coordinatrice (pointant vers l’arrière) et l’atome d’hydrogène ; dans le second (complexes CH3NH2:NH3:OH2), l’hydrogène coordonné à l’oxygène est plus prioritaire que celui coordonné à l’azote. Tous deux sont plus prioritaires que la paire solitaire (pointant vers l’arrière), mais moins prioritaires que le groupe méthyle.

Nommer correctement un composé, c’est prendre conscience de la création d’un centre stéréogène et s’interroger sur l’origine de la chiralité ; de plus, la présence d’un second centre stéréogène supramoléculaire, entraîne un diastéréomérisme caché. Ce système simple nous permet de décrire clairement les structures supramoléculaires et d’améliorer encore le langage de la chimie.

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