Des paléoanthropologues fouillent soigneusement les restes de cinq anciens individus, découverts dans ce qui était autrefois une grande grotte. La grotte de ce qu’on appelle aujourd’hui le site de Jebel Irhoud, au Maroc, a été enfouie, au fil des éons, sous des couches de roches et de sédiments. Shannon McPherron/Nature hide caption
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Shannon McPherron/Nature
Des paléoanthropologues fouillent soigneusement les restes de cinq individus anciens, découverts dans ce qui était autrefois une grande grotte. La grotte de ce qu’on appelle aujourd’hui le site de Jebel Irhoud au Maroc s’est retrouvée enfouie, au fil des éons, sous des couches de roches et de sédiments.
Shannon McPherron/Nature
Une équipe de scientifiques européens et marocains a trouvé les restes fossiles de cinq individus qui, selon eux, sont les plus anciens humains modernes (Homo sapiens) jamais découverts.
Dans une région reculée du Maroc appelée Jebel Irhoud, dans ce qui était autrefois une grotte, l’équipe a trouvé un crâne, des os et des dents de cinq individus qui vivaient il y a environ 315 000 ans. Les scientifiques ont également trouvé des outils en pierre assez sophistiqués et du charbon de bois, indiquant l’utilisation du feu par ce groupe.
L’affirmation des chercheurs est toutefois controversée, car les anthropologues débattent toujours des caractéristiques physiques exactes qui distinguent les humains modernes de nos ancêtres plus primitifs.
Mâchoire 3-D
La paléoanthropologie virtuelle permet de corriger les déformations et les fragmentations des spécimens fossiles. Cette reconstruction de la mandibule du spécimen marocain connu sous le nom d’Irhoud 11 permet sa comparaison avec des hominines archaïques, comme les Néandertaliens, ainsi qu’avec les premières formes d’humains anatomiquement modernes.
Crédit : Jean-Jacques Hublin, MPI-EVA Leipzig
Des formes archaïques d’humains – d’autres espèces plus anciennes d’Homo – sont apparues il y a plus d’un million d’années. Comment et quand exactement notre espèce – Homo sapiens – a évolué est un mystère. Jusqu’à présent, les plus anciens ossements connus et largement reconnus comme Homo sapiens provenaient de personnes qui vivaient en Afrique de l’Est il y a environ 200 000 ans. La nouvelle découverte au Maroc repousserait la date d’émergence de notre espèce de 100 000 ans supplémentaires.
Jean-Jacques Hublin dirige le département de l’évolution humaine à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne. Il a dirigé l’équipe qui a trouvé un crâne, des os et des outils en pierre.
Le paléoanthropologue de l’Institut Max Planck Jean-Jacques Hublin examine les nouvelles découvertes à Jebel Irhoud, au Maroc. Les orbites des yeux d’un crâne humain écrasé, vieux de plus de 300 000 ans, sont visibles juste au-delà du bout de son doigt. Shannon McPherron/Nature hide caption
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Le paléoanthropologue de l’Institut Max Planck Jean-Jacques Hublin examine les nouvelles découvertes à Jebel Irhoud, au Maroc. Les orbites oculaires d’un crâne humain écrasé vieux de plus de 300 000 ans sont visibles juste au-delà du bout de son doigt.
Shannon McPherron/Nature
« Ce matériel représente la racine même de notre espèce, le plus vieil Homo sapiens jamais trouvé en Afrique ou ailleurs », dit-il.
C’est une grande affirmation, décrite en détail dans le rapport de Hublin mercredi dans la revue Nature. D’autres personnes dans son domaine sont sceptiques, parmi lesquelles le paléoanthropologue Rick Potts, qui dirige le programme des origines humaines au Musée d’histoire naturelle du Smithsonian. Selon lui, certaines des caractéristiques du crâne, en particulier son crâne allongé et la forme du visage, suggèrent qu’il pourrait s’agir d’un ancêtre plus primitif de l’homme moderne.
« Les nouvelles découvertes du Maroc sont une sorte d’instantané dans tout ce processus de transition de l’archaïque vers nous », dit Potts. Il soupçonne qu’il s’agit d’un instantané d’une période juste avant l’évolution de l’homme moderne.
C’est un argument courant en anthropologie – où se situe un fossile nouvellement découvert, en particulier un fossile avec un mélange de caractéristiques anciennes et plus modernes, dans l’arbre généalogique touffu de l’ascendance humaine ?
Cette reconstruction composite de ce que ses découvreurs pensent être le plus ancien fossile d’Homo sapien connu a été basée sur des scans de plusieurs spécimens. L’empreinte virtuelle de la boîte crânienne (en bleu) indique que la forme du cerveau, et peut-être la fonction cérébrale, ont évolué au sein de la lignée Homo sapien, affirment les scientifiques.
Crédit : Philipp Gunz, MPI EVA Leipzig
Chris Stringer, anthropologue au Musée d’histoire naturelle de Londres, affirme que même si le crâne marocain est un peu un mélange de caractéristiques modernes et archaïques, il reste l’un des nôtres. « Au fur et à mesure que l’évolution se produit, que nous remontons dans le temps, dit-il, ils vont ressembler de moins en moins à des humains modernes. … Ils ont des visages qui sont vraiment comme une version plus grande de nos visages. »
Stringer et Hublin suggèrent que le crâne allongé, ou la boîte crânienne, pourrait avoir été l’une des dernières choses dans la lignée humaine à évoluer vers ce à quoi il ressemble maintenant (plus globulaire, comme le décrivent les anthropologues), peut-être lorsque le cerveau a développé plus de connexions et est devenu plus sophistiqué.
Ce qui est clair, maintenant plus que jamais, c’est que les ancêtres de l’humanité, et finalement les premières formes de « nous », surgissaient partout en Afrique. Ils ont évolué en Afrique orientale, en Afrique australe et maintenant, apparemment, en Afrique du Nord. Et il est de plus en plus évident que ces ancêtres se sont déplacés sur tout le continent, échangeant la technologie des outils aussi bien que les gènes.
« S’il y avait un « jardin d’Eden », dit Hublin métaphoriquement, c’est l’Afrique. Donc le jardin d’Eden est de la taille de l’Afrique. » Et finalement, après toute cette expérimentation évolutive sur la forme humaine, la forme actuelle a évolué – quelque part qui reste à déterminer.